jeudi 19 août 2010

Le bâton de John










« Si tu vas dans la montagne demain, trouve le bâton de John et rapporte-le moi, s’il te plaît », me supplie Dewi. Tandis que les accords de ma guitare s’accrochent au vent frais du soir, ses beaux yeux noirs et tristes se perdent dans le rougeoiement du ciel, par-delà la sombre silhouette du volcan.

Après des heures de montée, ai trouvé contre la poutre d’une vieille cahute de ravitaillement un bâton de marche joliment gravé à la pointe d’un couteau. « Où est John ? » risquai-je. La femme me sourit, pointe le bâton, puis écarte les bras en lançant un regard vers le ciel.

Sur le chemin du retour, un vieillard m’invite à prendre un café dans sa petite baraque de bois. Plusieurs jeunes entrent à ma suite, s’assoient et se passent de main en main un kriss, long couteau à lame serpentine. L’un deux me toise, hostile, jette un œil au bâton : « John ? » Il appuie la pointe du couteau sur mon estomac, simule de petites entailles puis l'éventration.

Lorsque que livrai le bâton à Dewi, ses yeux de jais brillèrent intensément, fichés dans les miens, interrogateurs. Sur son visage, la petite moue mélancolique que je lui connaissais se fit soudain pleine de reproche. Elle murmura une phrase en indonésien, puis tourna les talons et marcha vers la maison en s’appuyant sur le bâton de John.

Le lendemain matin, je pris le premier bateau pour Prapat. La montagne-volcan avait disparu sous une brume épaisse.

(Lac Toba, Sumatra, Indonésie)

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