vendredi 20 août 2010

Déclic à Varanasi, des claques à Paï

« Benarès, c’est une ville, il s’y passe tellement de choses que tu prends ton appareil et tu shootes dans tous les sens, les yeux fermés, t’auras toujours des super-photos ! » Après une flopée de Mékong-soda, Jean-Marc, fier de son allégorie, en avait fait une litanie pour l’auditoire des quelques traînards cosmopolites réunis dans le café.

L’unique ventilateur brassait l’air chaud et la fumée. Pi servait les whiskies en rigolant, Mary avait des yeux pétillants qui disaient « Emmène-moi » ; Benoît, qui y voyait un charmant appel érotique, bombait le torse en lançant des œillades lubriques à l’Anglaise ; Haneke comparait le statut du végétarien dans l’Asie bouddhiste et l’Occident carnassier ; Olie, qui confondait insolation et abus d’alcool, lâcha la boule 8 dans un trou du billard avant de disparaître – pendant 3 jours. Jean-Marc continuait d’effeuiller à voix haute ses carnets indiens…

Et notre petit café de planches branlantes, aux ampoules tressautantes, aux accents et aux rires claquants ou étouffés dans les verres vibrait comme une luciole au milieu de la nuit immense et moite qui maintenant engobait tout, comme une poix descendue de la jungle.

Le lendemain, seul au milieu d’une rizière hérissée de huttes sur pilotis, entourée de montagnes où pointait le stupa d’un temple abandonné. Subjugué par la beauté du paysage, me mis à tournoyer en hurlant, appuyant comme un damné sur le déclencheur de mon appareil. Arrivé en courant à l’échoppe du photographe. Le petit homme, un Indien à la peau noire et chauve comme un bonze, ricana en me tendant le boîtier… vide de toute pellicule.

(Paï, Nord Thaïlande)

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