dimanche 22 août 2010

La main de Fatma… dans ta gueule

Après ses ablutions matinales, F. Alik m’a rejoint à la table du petit déjeuner, a posé devant mon nez le journal, ouvert à la page des infos locales, et devant le sien sa sempiternelle assiette de riz au poisson séché. Tout à sa pitance, qu’il baffrait à grandes poignées - de son unique main noble – il me jetait de temps à autre des regards en coin. Ses yeux allaient de mon visage au journal et retour à son plat.

- « Tu tiens ta tasse à gauche ? », tenta-t-il.

J’étais juste d’humeur à boire mon café en silence et profiter du chant des oiseaux dans le jardin. N’y tenant plus, F. Alik s’est soudain levé et a posé un doigt gras et moucheté de grains de riz sur un fait divers de quelques lignes, s’est rassis, puis feignant un air dégagé :

- « Elle l’a bien mérité. C’était une mauvaise musulmane. »

Hier après-midi dans le centre de Kota Baru une adolescente était morte, renversée par une voiture folle en sortant de son lycée. Je levai le nez et interrogeai mon hôte du regard. D’un bref mouvement du menton, il m’intima de poursuivre. A l’hôpital, au moment de dévêtir le jeune corps sans vie, on avait découvert que la gamine portait en pendentif, blotti sur sa poitrine, un petit christ en croix.

- "Tu vois!" me lança fièrement F. Alik, tout repu de lui-même et de poisson séché, comme s'il venait à l'instant de me fournir la preuve irréfutable de l'existence de Dieu.

Le conducteur de l'auto ne fut pas inquiété. Mais ce que ne dit pas le journal c'est combien ce chauffard providentiel, ce justicier divin, ce héros de l'islam avait de grammes d'alcool dans le sang…

(Kota Baru, Est Malaisie)


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